La fin du monde n'a pas eu lieu. Dommage. Soleil, tu
devais ne pas te lever, disparaître pendant trois "jours"... Ce matin
pourtant, j'ai entendu la rumeur de la ville qui se réveillait comme une
servante, sur la pointe des pieds, j'ai regardé dehors, j'ai vu que tu
t'efforçais d'éclairer d'une lumière triste le Paris clignotant d'avant
noël...
Les Mayas
n'avaient du reste jamais rien annoncé de tel. C'est drôle comme notre
civilisation mortelle s'impatiente de mourir, d'en finir avec son monde. Elle
espérait déjà en l'an 1000. Elle espérait davantage en l'an 2000, ayant tant
perfectionné la science de sa destruction en dix siècles. Elle tourna alors
les yeux vers les peuples arriérés, d'eux seulement pouvait venir une croyance
plus forte que le nihilisme dans lequel elle s'était enroulée. Mais non, le 22
décembre 2012, elle était encore là, à se regarder agoniser péniblement, ne se
supportant plus ni le monde qu'elle avait fait hideux à son image, avec encore
noël à fêter, avec l'horreur des cadeaux à acheter dans les réserves
commerciales; vite; s'était-elle dit en s'éveillant ce matin-là, accélérons le
ravage, massacrons les innocents, vite, plus vite, plus haut dans le ciel, plus
profond dans le sol, piétinons, tirons, bétonnons, trouons, arrachons, dévorons
les miettes de l'enfant Jésus...
De l'autre côté de
la Mort, un cycle s'achève et les Mayas changent d'ère. Je suis sûre qu'ils ont
dormi sous le sourire de leur lune et se sont levés sous la chaleur de leur
soleil (qui ce matin s'appelle pluie). Ils remettent le compteur du temps à
zéro, lui offrent une nouvelle jeunesse. Pour le signifier au vieux monde,
quelques milliers de petits Indiens qui vivent en toute indécence en dehors des
musées, esprits échappés aux statuettes où les mauvais génies tentent de les
enfermer, sont venus occuper silencieusement quelques villes du Chiapas. Ainsi
fêtent-ils les dix-huit courageuses années (qui sont je ne sais combien dans
leur calendrier) qui les séparent du jour où ils voulurent bien apparaître aux
yeux brûlants du vieux monde. Peut-être se souvient-on de l'aube où ils prirent
les villes et récupérèrent des terres trop longtemps livrées à des mains rapaces.
Ils sortaient de quatre cents ans de forêts si recouverts d'invisible que
pendant un moment personne ne les vit. Puis on les vit sans les croire
(possibles). Une fois vus et crus, on les tira. Mais il était trop tard. Ils
étaient là. Ils se tiennent là encore. Ils se tiennent dans les villes et
célèbrent silencieusement leur présence, qui traverse les calendriers du
ravage. Ils sont plus vieux que le temps et ont encore la générosité d'aimer
assez le monde pour ne pas vouloir sa fin. D'une
voix immense, ils redonnent voix à tout ce qui est couvert par la rumeur. D'un
pas immense, ils entrent dans la nouvelle ère.
M. N.
¿ESCUCHARON?
Es el
sonido de su mundo derrumbándose.
Es el de nuestro resurgiendo.
Es el de nuestro resurgiendo.
El dia que
fue el dia, era noche.
Y noche
serà el dia que sera el dia.
(Vous avez entendu ? C'est le
bruit de votre monde qui s'écroule. C'est celui du nôtre qui resurgit. Le jour
où le jour fut, il faisait nuit. Et nuit sera le jour où sera le jour.)
COMMUNIQUÉ DU COMITÉ CLANDESTIN RÉVOLUTIONNAIRE
INDIGÈNE
COMMANDEMENT GÉNÉRAL DE L’ARMÉE ZAPATISTE DE
LIBÉRATION NATIONALE
MEXIQUE
21 décembre 2012
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