jeudi 13 décembre 2012

Gamètokrach


On a touché au sperme.

Les résultats sont là : Human Reproduction les publie. Une vaste étude, réalisée de 1989 à 2005 sur plus de 26000 hommes, montre l’approfondissement de la crise de qualité et densité en spermatozoïdes des éjaculations françaises.

Les « causes » en sont connues ; entraperçues, du moins. Ondes nouvelles-technologiques, pesticides, produits phytosanitaires, rayonnements ionisants, phtalates, bisphénols et tutti quanti n’épuisent pas même les possibilités dégénératives ; le rôle-clé de la production étant tenu par les perturbateurs endocriniens, également nommés disrupteurs, xéno-œstrogènes ou leurres à propriétés hormono-mimétiques.

Les échantillons, uniquement et protocolairement prélevés sur des partenaires de femmes totalement stériles (afin,sans doute sérieux, d’évacuer toute intrusion symbolique de l’engendrement dans l’affaire – si ce n’est que, provenant d'usagers de l'assistance médicale à la procréation, ils étaient investis d’un potentiel fantasmatique vers l’Autre Femme) – les éjaculats, donc, présentaient de surcroit une ample modification morphologique. L’âme, depuis Thomas d’Aquin, était canoniquement définie comme « forme du corps » ; la forme du sperme, quant à elle, serait-elle devenue le signe d’âmes en berne de flagelle ? Problème : Sachant que la motilité du spermatozoïde dépend en bonne moitié de la rotation à 180° de la tête, l’inertie des méninges et des membres est-elle soluble dans le devenir-immobile du collet ? 

La concentration en millions par millilitre a ainsi diminué de 33%. Qui mal y pense y verra, le cas échéant, l’image à peine subliminale et clignotante de l’exacte soustraction du tiers.

Soyons rassurés, les concentrations spermatiques restent, en moyenne, dans la « norme fertile » de l'Organisation Mondiale de la Santé. Et gageons que celle-ci la redéfinira avant que l’étiage ne s’établisse durablement en-deçà du seuil, et n’avoisine l’absolu zéro.

Le « monde » dont l’organe est fonction d’une Physique de la reproduction placera-t-il le curseur au niveau nucléaire des spermatides, et plus précisément de l’idiosome ? Là où nul n’est physiologiquement en mesure de concrètement engendrer ? Nul, fors la Science Idéologique du Calcul et sa confiscation technique du procès de fécondation. Une des faces du renversement du régime de la subversion le commande.

L’autre – est un pari.
St. M.

dimanche 9 décembre 2012

L'Axe Coupat-Houellebecq

James-Joyce.jpg
 
 
Deux spectres hantent le nihilisme français : les spectres de Joyce et Rimbaud. Le Comité invisible de Julien Coupat tirait sur Leopold Bloom, l’amer Michel croit pouvoir nous persuader qu’il est impossible au XXIe siècle de trafiquer dans l’inconnu. Un livre les démasque au passage, en quelques pages : Tout autre – une confession de François Meyronnis (pp. 85-99).
 
« Tiqqun » a eu le mérite de reparler de « guerre civile », d’ouvrir un magasin général bio dans le Désert français, d’avoir deux prisonniers d’opinion à la Santé sous Sarcosi et de ridiculiser Michèle deux ans avant le Printemps tunisien. Michel celui de mettre les pieds dans le plat du Menschenpark. C’est à peu près tout.
 
Le Comité invisible considère la littérature comme « l’ancien régime de la vérité », hait Joyce, ne comprend pas grand-chose à Debord ni au Talmud et rien à Heidegger. Michel a compris que de son point de vue, mieux valait vouloir le rien que ne rien vouloir. Pour le Comité « Tiqqun » comme pour Michel, une seule devise : tuer les pères, tuer le monde.
 
François Meyronnis alias Simon Malve, lui, évolue sans haine parmi les vivants, les morts et les avalanches :
 
« Avant, où que ce soit, à n’importe quelle époque, il y avait partage mais aussi échange entre ceux qui vivent et les défunts. Ce partage comme cet échange faisait l’objet de rites, cérémonies, de toute une symbolisation.
 
De cela il ne subsiste à peine que des loques. Sans qu’on en perçoive la violence une implosion sévère a eu lieu.
 
Les ombres, on les a mises à la porte. Les vivants ont lâché le « peuple éteint », comme l’appelait Homère – illusion de refermer la vie sur elle-même et d’envoyer coucher les morts. Mais ce que voit Simon Malve, en accédant là où s’enroulent le dessus et le dessous, est plus inquiétant ; car il s’agit du modelage du monde de la surface à partir de l’envers : dans les rues, au fond des bureaux, des boutiques, la vie expropriée nourrit les ombres ; lesquelles à leur tour colonisent la vie, au point d’en rendre possible un jour la fabrication industrielle. Ainsi vie morte et mort vivante forment-elles ensemble un circuit marécageux.
 
Alors que les incubés du social ne veulent plus rien faire avec leurs âmes, et leur témoignent autant de respect qu’à des courants d’air, les voilà pris en gage. Translation de tous les êtres sur le plan mort.
 
Comment sortir de ce micmac ? Mon livre ne raconte rien d’autre – conseils pour déjouer l’embûche… Ici le lecteur est convoqué. Au fond c’est lui le personnage du roman ; lui seul peut effectuer le voyage. »
 
A. G. 

Les voix du Pacifique

othermap.jpg
 
 
L’une des leçons décisives de la « démonstration démocratique » de l’UMP (180.000 votes dont 40.000 procurations) serait presque passée inaperçue. Faut-il prendre en compte les voix des citoyens de métropole lors d’élections serrées dans les départements du Pacifique et de l’Océan indien ?
 
Evidemment non. La démocratie est une affaire trop sérieuse pour y mêler les peuplades primitives d’Europe occidentale.

L'Etat, c'est nous.

fillonetat.jpg
 
 
Visiblement fatigué, mais toujours soucieux de pédagogie citoyenne, François Fillon a récemment rappelé aux micros d’une radio soucieuse d’éviter le spectre d’une guerre civile qu’un « parti politique, ce n’est pas une mafia ». L’histoire récente de la droite et l’étrange ballet démocratique organisé depuis quinze jours à la tête de l’UMP sous les yeux ébahis du parrain Sarcosi donnent bien sûr raison à l’ex-premier ministre.
 
Pour faire un « grand parti politique, un parti qui puisse un jour revenir aux commandes du pays », il faut plus qu’une mafia : il en faut deux ou trois.

A. G. 

samedi 8 décembre 2012

ENCORE UN COUP DE PEDAGOGIE!

Le Fleuve Jaune en 2009


Un spectre hante le monde : le spectre du communisme écologique. Toutes les puissances de l’économie mondialisée se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : les marchés financiers et les « partis de gouvernement », Obama et Poutine, la science-à-fric et Manuel Valls. Ce qui se joue ces mois-ci sur l’un des derniers promontoires de cette péninsule asiatique qu’on appelle l’Europe, à Notre-Dame des Landes, se joue aussi à une tout autre échelle dans les vallées de Chine où l’on rase tout pour relier la Rivière des Perles au Fleuve jaune à sec, dans les forêts d’Amazonie ravagées par les « puissances émergentes », dans l’Afrique retournée par les chercheurs de coltan. Tous peuvent le voir, sauf les myopes élus pour quatre ou cinq ans et leurs clubs de groupies hystériques : les « partis ». 

Faisons le bilan des pertes locales : l’opération « César » a dégénéré. Victimes collatérales : le président Hollande, le premier ministre Ayrault, le ministre de l’Intérieur Valls, l’ex-préfet Hagelsteen, l’entreprise Vinci, sans oublier le parti « Europe Ecologie Les Verts » ou BFM TV. 

Hollande : le changement, c’est plus tard, quand ça ira mieux. Mais comme ça n’ira jamais mieux… 

Ayrault : pédagogue et concertateur toujours sérieux, attitude exemplaire, respecte ses camarades et les procédures, régulier dans l’erreur. 

Valls en quelques bourdes : « ultragauche », « kyste durable », « il n’y a jamais de conditions au dialogue ». Bref : la gauche « white », la gauche « blancos » et la flicaille d’Evry au pouvoir. « Quelle image de notre ville… » 

L’ex-préfet de Loire Atlantique Hagelsteen devenu conseiller du président de Vinci : sa tête sur le Who’s Who le dit bien : « Ben quoi, moi aussi j’ai le droit au conflit d’intérêt. » 

L’entreprise Vinci, « présente dans plus de 100 pays » : « Nous recrutons les fonctionnaires qui nous ont décroché des contrats. Et alors ? Nous bétonnons partout sur la planète les terres où des paysans de tous âges démontrent qu’on peut vivre au XXIème siècle sans l’aide de l’Etat, ni de Monsanto, ni les emplois de la mafia du BTP. Et alors ? Nous démontrons que la privatisation des moyens de transports est l’une des plus efficaces manières de racketter les administrés de la moitié du globe. Et alors ? » 

Duflot & Canfin : « On reste au gouvernement. De toute façon, Notre-Dame des Landes c’est dans l’hémisphère sud. » 

 BFM TV : « On filme pour la DCRI, et alors ? » 

La bonne nouvelle du dimanche 27 : « On a détruit vos maisons, on a gazé vos champs, on a cogné vos copines, on a coupé vos arbres, on a filmé vos visages et vous n’êtes toujours pas contents, vous rameutez du monde de toute l’Europe et du Maghreb par internet ? Très bien, on va vous remettre encore un coup de pédagogie ! » 

Messieurs-dames des « partis de gouvernement » et du « partenariat public-privé » mondialisé : la pédagogie, c’est pour les enfants. Le communisme écologique, c’est pour les adultes. 

A. G., M. N.

mardi 3 avril 2012

Règles de vie


J’ai juré par le Verbe en personne, qui est pour moi Dieu suprême,
principe issu du principe, venu du Père immortel,
image de l’archétype, nature égale à celle du géniteur,
qui est arrivé du ciel pour entrer dans la vie des hommes,
j’ai juré de ne pas rejeter par mon esprit, avec des idées hostiles,
le grand Esprit, non plus que le Verbe, par un verbe ennemi.
Si je venais à diviser la divinité de l’éclatante Trinité,
en suivant les mots d’ordre de temps adverses ;
si un haut siège venait jamais aiguillonner mon esprit
ou si je prêtais la main au désir de l’adversaire ;
si je faisais passer avant Dieu l’appui humain,
en attachant mes amarres à une pierre sans consistance ;
si jamais, la prospérité venue, je contractais un esprit arrogant
ou si inversement, atteint par le malheur, je me laissais abattre ;
si je défendais ma fierté au-dessus de ce qui est sacré ;
si, voyant les méchants jouir du calme ou les hommes de bien
rencontrer des écueils, je venais à quitter le droit chemin ;
si l’envie dévorait mon esprit et si, jouissant d’un pied ferme,
je venais à rire de la chute des autres, fussent-ils impies ;
si mon esprit succombait sous la montée de la bile, si ma langue
effrénée se mettait à courir et si mon cœur dardait un œil lascif ;
si je haïssais quelqu’un sans raison et si de mon ennemi
je tirais vengeance par ruse ou bien ouvertement ;
si je renvoyais de ma demeure le pauvre les mains vides,
ou bien l’âme assoiffée de la parole céleste,
que le Christ soit propice plutôt à un autre, et que le vent
emporte mes labeurs antérieurs ainsi que ceux de ma vieillesse.
Telles sont les lois ausquelles j’ai lié mon existence. Mais si je parviens
à combler mes désirs, grâce t’en soit redue, incorruptible.


Saint Grégoire de Naziance