jeudi 2 mai 2013

Retenir les ciels

 
Un film de Clara & Laura Laperrousaz

Chaque singularité se réengendre, n’admettant pas l’engluement dans la chaîne générationnelle.
François Meyronnis, Prélude à la délivrance

Aux jours du ravage des subjectivités, la communication est ruine.
Dans l’oasis crue du grand été, les cœurs sont de sable moulé aux formes éphémères. Gratuité, la splendeur du jeu d’enfant s’oublie dans l’écoulement nerveux du temps.
La tête de prophète d’Ézéchiel émerge. Il regarde sa femme : Iris. Elle, ne voit plus l’arc-en-ciel, la fleur des couleurs. Nulle part. La lumière lui est de seconde main, lointainement pur reflet ; Luna, sa fille, comprise, livrée au halo noir de la reproduction. La pesanteur en héritage. Luna promise au passé, agnelle menée sur l’autel de la sempiternelle répétition: enveloppée déjà des linceuls de la corruption, la radieuse joie d’enfance. Ombre portée, tranchée, violence des perpendiculaires. Tout peut arriver quand rien ne (se) passe. L’autre est mort(e). Particules suspendues – la légèreté alliée à la terre foulée rouge.
L’anniversaire s’annonce, de la naissance, de la plongée. Le père, la fille ont des jeux minéraux : il montre, elle compte, elle lance, ou lui. Ils regardent et voient, recommencent. La fraicheur habite les ricochets de sourires… Le jour s’avance.
La psycho-généalogie, ici, est sans psychologie. Pas d’objets, mais des choses, et tout parle. Et des coussins suppléent à la faille d’un amour. Les pommes, le péché flottent. Le jeu des mains produit ses ombres hors champ. Tout est symbolique, car tout est symbolique disait Bernard Lamarche-Vadel. Voyez les vivants vivre  et l’énigme s’éclaire. Quand bien même lancés au cœur d’un naufrage. Physiologies à vif, balançoire du temps.
Le repos devient l’improbable. Ézéchiel surgit de sieste comme d’une résurrection en négatif. Partie, perdue. Mère, fille, évanouies… L’horizon, le ciel de chacun sont-ils embrassables ?
Luna va où la nature s’ouvre. Le chant d’un coucou pourtant prévient, des coups de feu résonnent ; Iris marche au loin dans la déréliction du jour, s’éclipse. De Luna à Lila, de Luna à Lila de la chair-de-la-chair vivante au spectre perpétué : Un, Il. Vers Ça. Là où le quoi sexuel transit l’ivresse d’alcool et de conjuration.
Il récite : Iris, Iris, Iris… Confusion-fusion des prénoms ? Oui. Non. Passe magique de la poésie. Il la veille. L’eau ? Baptismale. L’enfant à naître… N’est pas nommé. Le ventre de la mère ? Jamais montré – entr’entr’aperçu, pas vu.
D’où vient alors que Retenir les Ciels soit dans la lumière comme dans son séjour ? C’est que le temps est la garde de la mémoire. Heidegger : « Nous regardons le danger, et dans ce regard nous percevons la croissance de ce qui sauve. »
Vous voyez du son – ça commence.
 StM

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