mardi 3 avril 2012

Règles de vie


J’ai juré par le Verbe en personne, qui est pour moi Dieu suprême,
principe issu du principe, venu du Père immortel,
image de l’archétype, nature égale à celle du géniteur,
qui est arrivé du ciel pour entrer dans la vie des hommes,
j’ai juré de ne pas rejeter par mon esprit, avec des idées hostiles,
le grand Esprit, non plus que le Verbe, par un verbe ennemi.
Si je venais à diviser la divinité de l’éclatante Trinité,
en suivant les mots d’ordre de temps adverses ;
si un haut siège venait jamais aiguillonner mon esprit
ou si je prêtais la main au désir de l’adversaire ;
si je faisais passer avant Dieu l’appui humain,
en attachant mes amarres à une pierre sans consistance ;
si jamais, la prospérité venue, je contractais un esprit arrogant
ou si inversement, atteint par le malheur, je me laissais abattre ;
si je défendais ma fierté au-dessus de ce qui est sacré ;
si, voyant les méchants jouir du calme ou les hommes de bien
rencontrer des écueils, je venais à quitter le droit chemin ;
si l’envie dévorait mon esprit et si, jouissant d’un pied ferme,
je venais à rire de la chute des autres, fussent-ils impies ;
si mon esprit succombait sous la montée de la bile, si ma langue
effrénée se mettait à courir et si mon cœur dardait un œil lascif ;
si je haïssais quelqu’un sans raison et si de mon ennemi
je tirais vengeance par ruse ou bien ouvertement ;
si je renvoyais de ma demeure le pauvre les mains vides,
ou bien l’âme assoiffée de la parole céleste,
que le Christ soit propice plutôt à un autre, et que le vent
emporte mes labeurs antérieurs ainsi que ceux de ma vieillesse.
Telles sont les lois ausquelles j’ai lié mon existence. Mais si je parviens
à combler mes désirs, grâce t’en soit redue, incorruptible.


Saint Grégoire de Naziance